Récemment, aux États-Unis, l’Association Américaine de Masso-Therapie (AMTA) a livré – et gagné – une bataille légale de 3 ans contre une entreprise qui souhaitait déposer comme marque le terme « trigger point ».

« Trigger point », en français « point gâchette » ou « point gâchette myofascial », est un concept descriptif et théorique dans le champ des thérapies manuelles pour décrire un/des nodules de tension douloureux dans les fibres d’un muscle, associés localement et de manière référée, c’est à dire à distance, à de la douleur, des restrictions de mouvement. Il découle de ce concept également une méthode pour travailler en thérapies manuelles (massage, ostéopathie, fasciatherapie, acupuncture..) et traiter ces douleurs. Au passage, il existerait d’ailleurs une proximité entre les points gâchettes répertoriés et la cartographie des points d’acupuncture, ce que je trouve intéressant.

Bien qu’il y ait semble-t-il une controverse sur la validité scientifique du concept de « point gâchette » et des méthodes associées, il n’en reste pas moins que le terme fait partie du langage courant des masseur·ses et thérapeutes manuels (qui obtiennent pour certain·es de bons résultats avec cette approche), du langage des formateur·trices, et plus largement, il fait partie de la langue pour parler du corps, de ses caractéristiques et ses maux. La tentative de cette entreprise d’en faire une marque aurait eu pour conséquence de sortir ce terme de la langue commune aux États-unis, puisque il aurait ensuite fallu demander à cette entreprise son autorisation pour l’employer, au travail, dans les livres, les formations, peut-être moyennant des droits… L’entreprise a perdu, heureusement, contre l’AMTA qui heureusement avait eu le temps de s’en apercevoir et d’agir. La marque en question est limitée désormais aux seuls objets que vendra cette entreprise (rouleaux de massage et autres dvd).

Je vous en parle parce que cela me semble un bon exemple de comment un savoir, un bien est sorti du commun pour le profit de quelques uns. Privatiser l’usage d’un terme courant comme « point gâchette », ce n’est pas anodin, c’est priver les êtres humains de savoirs, de pratiques, de partages, de débats, d’élaborations, d’améliorations etc. Si on ne peut pas librement le dire, le parler, ce « point gâchette », comment est-ce que il peut se transmettre, évoluer, faire du bien ? C’est l’éternelle histoire de l’enfermement des communs. C’est aussi j’imagine au passage un exemple de l’importance de rester vigilant·es, ainsi que de la pertinence de s’associer pour défendre le bien commun lorsqu’il le faut.

Source : Protecting « Trigger Point » for the massage profession: a case study, par A.M.T.A (American Massage Therapy Association)

Catégories : Société