Douleurs Peintes

Mathilde, atteinte d’endométriose, est aussi artiste. Elle trouve dans la peinture un mode d’expression des douleurs invisibles avec lesquelles elle compose tous les jours, ainsi qu’un moyen de se réapproprier son corps, que l’imagerie médicale lui montre « en tranches de saucisson ». Dans Douleurs Peintes, film expérimental de 27 min, elle peint sur son corps ses douleurs avec des couleurs différentes, localisent leurs zones, indiquent les gradations de souffrance, les restrictions qu’elles lui causent, sous la caméra respectueuse de son compagnon réalisateur, Thomas Coispel… C’est lui qui, inspiré par des cartographies thermiques du corps, a imaginé ce dispositif. Ni froide ni voyeuse, la caméra devient aidant, et propose une expérience de grande portée, intime et sociale. Le choix des couleurs est pertinent car les impressions de chaleur et brûlures sont souvent employées pour décrire les douleurs associées à l’endométriose… En même temps qu’elle se peint, Mathilde raconte… Elle nous dit, comment c’est de vivre avec la souffrance chronique, comment c’est pour elle… Car Mathilde le sait, et c’est ce que son autoportrait poétique transmet si bien: chaque profil, chaque vécu de cette maladie insaisissable est unique… La douleur, c’est une expérience si complexe, si intime…

Message à l’intention des proches…

C’est intime, et pourtant, de grandes leçons à usage de plein de monde se dégagent aussi de ce modeste témoignage en peintures… Les personnes qui vivent avec des douleurs (d’endométriose ou autres) qui regardent ce film pousseront peut-être un soupir de soulagement ou crieront un grand MERCI quand viendra le moment où Mathilde recadre tendrement les personnes de son entourage, sempiternellement maladroites et parfois si épuisantes dans leurs manières angoissées et contre-productives de la soutenir… Et toi, tu as essayé d’arrêter le gluten? Je ne vous en dis pas plus pour ne pas gâcher la vision… Mais si vous vivez avec des personnes qui souffrent chroniquement et que vous souhaitez être de bon soutiens pour elles, écoutez bien ce qui est dit ici! Regardez bien cette impuissance qui n’est pas la vôtre…

Rappel: Qu’est-ce que l’endométriose ?

L’endométriose est une maladie dans laquelle des cellules de la muqueuse utérine appelée endomètre sont implantées dans des zones du corps en dehors de l’utérus, où elles ne devraient pas être. Elles sont alors la source de douleurs de toutes sortes – locales ou diffuses, sourdes ou aiguës, passagères ou permanentes – ainsi que d’anomalies et d’adhérences tissulaires qui peuvent impacter fortement la qualité de vie des femmes et personnes avec un utérus, leur vitalité, leur sexualité, leur fertilité. Plusieurs hypothèses existent sur ses causes qui restent en partie incomprises. Il n’y a pas vraiment de traitement médical en soi, mais des stratégies de prises en charge de la douleur et/ou de conservation des fonctions reproductives qui seront différentes selon les symptomatologies, les désirs des patientes, leurs âges, et bien sûr en fonction de ce qui pourra leur être proposé ou pas par des médecins, selon qu’ils et elles seront plus ou moins bien formés et volontaires… Cela pourra impliquer des antalgiques, des hormones, de la chirurgie, de la diététique, des soins de médecines dites alternatives, et la plupart du temps un mix de tout cela.

L’endométriose est connue et nommée depuis longtemps, mais la recherche dans ce domaine, l’accueil et le soin des personnes en errance et souffrance ont pris beaucoup de retard, sur fond de tabous, de société sexiste et de mépris pour la douleur féminine en général. Ainsi, l’endométriose reste longtemps non diagnostiquée (en moyenne 7 ans), un temps pendant lequel des symptômes et des séquelles peuvent s’aggraver jusque par exemple la perte de la fertilité.

Vers une meilleure reconnaissance et prise en charge ?

À la faveur de la libération de la parole des femmes et de mouvements d’émancipation, de la recherche malgré tout, et grâce aux actions d’information et de sensibilisation par des associations de patientes, les choses sont en train de bouger. En France, l’assemblée nationale vient de voter à l’unanimité une résolution portée par LFI pour faire reconnaître l’endométriose comme ALD (Affection Longue Durée). De son côté, le gouvernement a exprimé la volonté de mettre en place une stratégie nationale contre la maladie et étudie un rapport et des listes de propositions… À suivre…

Pour aller plus loin

Je conseille en général la lecture de Tout sur l’endométriose aux éditions Odile Jacob, qui a le mérite de faire clairement le tour des aspects importants au sujet de la maladie et des différentes stratégies de prise en charge qui sont le plus souvent proposées, ce qui peut être éclairant lorsque l’on est face à un choix (par exemple, se faire opérer ou pas ?). Il faudra peut-être s’assurer régulièrement que les informations scientifiques sont à jour. Le livre reconnaît le potentiel des médecines dites alternatives dans l’amélioration de la qualité de vie, la gestion de la vitalité et la douleur – comme l’ostéopathie, l’acupuncture ou le qigong – mais pour explorer ces pistes là plus en détails il faudra se tourner vers d’autres sources. Le massage a un rôle indéniable à jouer, comme me l’a confirmé en séance une des autrices du livre. Je vous en ferai part plus en détails dans un article dédié bientôt!!

Des ressources sont également à trouver dans les groupes de partages et les associations de patientes, telles Endomind et Endofrance.

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