Une question revient souvent au début d’un apprentissage en massage :

« Comment est-ce que je sais que ce que je fais est bien ? »

Cette question me touche toujours beaucoup.

Elle me parle du souci de l’autre après le premier élan : Maintenant que j’ai osé masser, comment est-ce que je sais que je le fais bien ? La personne qui pose cette question s’est risquée en terrain inconnu, l’autre, a trouvé un passage par le corps pour faire du bien, et veut maintenant s’assurer qu’en effet, ses gestes sont bons. Pour continuer !

En contexte de formation, cette question peut aussi nous parler des pressions perçues de devoir « bien faire » selon des critères et des systèmes de validation établis par l’école, la société… Lorsque ces pressions sont fortes en nous, elles peuvent parasiter nos ressentis et donc nos repères. Qu’est-ce que ça veut dire, « bien faire » ? Il faut parfois faire le tri en soi. Mais, bien dosée, l’envie de bien faire et celle de valider que nous faisons bien n’est pas mauvaise : Elle est simplement « application », le plaisir de nous appliquer, comme d’habiles artisans, à faire bien ce que nous aimons faire, et être capables d’en apprécier les beaux résultats. Se poser cette question est louable, agréable, et indispensable !

Je partage ici des éléments de réponse, classés en deux groupes, assortis chacun de conseils !

  • Je sais que ce que je fais est bien car… je me suis donné⸱e dès le début les moyens de ne pas faire de mal avec mon massage !
  • Je sais que ce que je fais est bien car… je prête attention aux retours que je reçois en temps réel, ainsi qu’après ma séance, et je m’y adapte !

Je sais que ce que je fais est bien car… je me suis donnée dès le début les moyens de ne pas faire de mal avec mon massage

Cela paraît évident, c’est une étape à ne pas manquer. Je m’attache à cela de plusieurs manières, avant même le début du massage :

  • Je prends soin d’observer la personne et de m’informer sur son état de santé avant le massage. Je lui demande si certaines zones de son corps sont fragiles ou douloureuses, je les garde en mémoire. Dès lors je respecte les précautions à prendre pendant son massage, si besoin (niveau de pression, choix des huiles, zones à éviter..) Je ne masse pas si la personne présente une contre-indication totale au massage (fièvre, maladie circulatoire grave..).
  • Je prends le temps de demander à la personne ses besoins et souhaits du jour. En m’adaptant à ses préférences, je me donne les moyens de faire un bon massage. Toutefois, je ne reste pas crispé⸱e sur un besoin au détriment de l’ensemble. Un bon massage répond aux besoins exprimés par la personne, tout en les reliant à une composition plus grande, pour un bien-être global.
  • Je suis moi-même en bonne santé, et je travaille dans le respect de mes limites physiques et émotionnelles. Par exemple, je ne vais pas masser alors que je serais contagieux⸱se (d’un rhume ou autre). Lorsque j’exécute mes techniques, je prends soin de ma posture: Je reste dans mes capacités de force, de souplesse, d’équilibre, afin de ne pas risquer de faire un mauvais geste, de déraper ou tomber sur la personne. Si la personne est très émue, je cesse mon massage, ou je ralentis, et dans tous les cas je n’encourage pas des émotions fortes à surgir. Je peux lui proposer de s’asseoir un peu, lui offrir un verre d’eau.
  • Je reste dans les limites de mes compétences de métier. Je ne m’improvise pas ostéopathe ou kinésithérapeute ou chiropracteur ou psychologue, et cela même si la personne me le demande, du type « Faites-moi craquer la colonne s’il vous plaît » – Non.
  • Je prends soin du cadre dans lequel j’accueille la personne pour son massage, ainsi que du matériel et des produits que j’utilise. Le lieu est sain, aéré, à la bonne température… Mon matériel est en bon état, solide, et propre. Mes huiles sont de qualité, elles ne contiennent pas de produits toxiques ou agressifs, les concentrations en huiles essentielles sont correctes. Elles ne sont pas rances, n’ont pas dépassé la date d’utilisation. Je peux faire un test poignet si nous choisissons une huile essentielle pour la première fois.
  • Je respecte la sphère intime de la personne en protégeant son corps de l’exposition aux regards, en adaptant mes gestes à sa sensibilité, en restant réservé⸱e dans les questions abordant sa santé et sa vie privée. Je me limite aux informations nécessaires à la séance et ne me mêle pas de ce qui ne me regarde pas. En prenant soin de la pudeur entre nous, je permets que la séance lui fasse du bien. Si la pudeur est mal respectée, une gêne peut gâcher le meilleur des massages… et même le gâcher après-coup !
  • Je prends le temps de bien installer la personne sur la table ou le matelas de massage. Si la personne est de travers, je réaligne doucement son squelette avec de bons gestes. Je la couvre d’un drap et propose des couvertures supplémentaires si besoin. Je propose des coussins de confort aux endroits adaptés (par exemple sous les genoux si elle est sur le dos, sous la nuque…). De cette manière, j’évite que des inconforts au départ gâchent mon massage ou que des positions lui fassent mal.
  • Je suis calme. Avant de masser je prends un temps pour m’apaiser, reconnaître comment je me sens aujourd’hui, au moyen d’une méditation, d’une respiration, d’un exercice corporel. De cette manière je me mets en conditions pour réaliser mes techniques, être accueillant⸱e, réceptif⸱ve aux retours pendant le massage (voir paragraphes suivants). Et j’évite aussi des confusions, des projections de mes problèmes sur l’autre. Cela peut paraître idiot, mais c’est parfois parce qu’on a soit même mal à l’épaule qu’on passe trop de temps à masser celle de l’autre, ou trop fort… alors que sa demande concerne les jambes!

Je sais que ce que je fais est bien car… je prête attention aux retours que je reçois en temps réel, ainsi qu’après le massage, et je m’y adapte.

Nous entrons dans l’art même du massage bien-être, où rien ne vaut l’expérience personnelle. Observons tout de même plusieurs manières de «vérifier » en temps réel si mon massage est bon :

  • La première façon d’avoir un retour sur la qualité de ce que je fais est de poser directement la question ! Oui je peux, et il vaut mieux, demander de temps à autre à la personne si le massage lui convient. Je mets dès le début la personne en confiance pour s’exprimer. Bien entendu, il est bon d’être soit même assuré⸱e dans sa parole. C’est une qualité qui s’entraîne, comme le reste, pour sentir les manières de formuler une question de contrôle et les meilleurs moments pour la poser. J’évite les fausses questions fermées type « Tout va bien ? » où la seule réponse possible pour la personne serai un rapide « Euh..Oui oui.. ». Mieux vaut être précis⸱e dans la question, par exemple : « Êtes-vous confortable installée comme cela ? », «Aimeriez-vous plus de pression?», « Est-ce que je peux toucher votre ventre ?». Ça ne veut pas dire qu’il faut toutes les poser, mais le mythe du masseur qui sait tout juste par son ressenti est un dangereux écueil.
  • Je prête attention, flottante, ouverte, aux retours organiques venant du corps de la personne massée: mouvements, sons, qualités physiques qui indiquent le confort ou l’inconfort, un état de relaxation ou du stress, le bienfait ou l’inefficacité d’une manœuvre que j’applique… Parmi les réactions plutôt négatives, il y a le sursaut, la crispation, les mains serrées, une respiration retenue… Parmi les réactions plutôt positives, il y a les borborygmes, les soupirs, la respiration plus calme, un discret sourire, la posture qui s’ouvre, et bien sûr la peau et les muscles qui changent de qualité sous ma main (souplesse, chaleur, attendrissement..). Toute une symphonie, et une liste loin d’être exhaustive ici ! Avec l’expérience, je sais mieux les percevoir et adapter ce qu’il faut de technique, pression, rythme, etc.
  • J’écoute les sensations en moi qui m’informent sur le bon (ou mauvais) déroulé du massage, et me guident. Par exemple, me sentir serein⸱e est un indicateur que je fais plutôt bien, en tout cas que je suis en meilleures conditions pour bien faire. L’agitation qui survient pendant le massage peut au contraire être le signe que quelque chose n’est pas optimal, à corriger. Peut-être que je suis en difficulté avec ma posture, ce qui peut nuire à la qualité des gestes. Je peux aussi avoir des intuitions, par exemple me sentir inspiré⸱e à marquer une pause, à répéter un geste, à aller vers telle zone… J’apprends avec l’expérience à distinguer subtilement entre ce qui m’appartient et ce qui m’est communiqué par l’autre, en empathie (pour être en conditions pour cela j’ai pris un temps avant de masser pour me calmer et sentir comment je me sens aujourd’hui – voir paragraphe précédent)
  • J’ai le sentiment que ce que je fais est beau. Peu spectaculaire de l’extérieur mais sublime de l’intérieur, ce sentiment apparaît plutôt lorsque sont réunies les conditions de calme intérieur, maîtrise technique, écoute et présence, liberté, joie de faire… Les moments de grâce sont le signe que je suis en train de réaliser un bon massage, et sont la plupart du temps partagés, ce dont témoigne souvent la personne massée. C’est parfois dans les petites choses, ou les pauses, que la beauté éclot..
  • J’observe un « avant » et un « après » de mon massage. Comment est le visage de la personne après sa séance ? Reposé ? Comme rajeuni ? Ou bien renfrogné, avec un air mécontent et pressé ? Comment est sa posture ? Sa voix ? Est-ce que je vois un mieux-être ? J’observe mon travail bien fait. Ou, moins bien fait.. (elle a l’air trop étourdie, ou elle se sent mal, par exemple). Je l’enregistre en moi. J’écoute avec attention, sans interrompre ni interpréter à ma sauce, les retours que me fait la personne en fin de séances. Je prends bonne note ! Si on me dit que combien le massage était bienfaisant, beau, magique, j’accueille aussi le compliment !

Et voici déjà quelques manières de vérifier que nos massages sont (et seront) bons, peut-être même très bons, merveilleux, et en tout cas, pas mauvais !!

Pour le ressenti – que rien ne remplace – à vos pratiques ! Et n’oubliez pas de recevoir, c’est la meilleure école !

Bons massages à toutes et tous !

Emily King

Décembre 2018

Cet article a été publié initialement sur le site de Biopulse, organisme de formation aux massages bien-être, fermé en 2020 suite à la crise sanitaire du Covid. J’y ai apporté des coupes et légères modifications à la republication ici.
Crédit photo : Cong H on Unsplash