Cet article a été publié initialement sur le site de Biopulse, organisme de formation aux massages bien-être, fermé en 2020 suite à la crise sanitaire du Covid. Il accompagnait à l’époque une formation que j’avais co-créée et co-animée avec Audrey Berger. Je le republie pour archives, et parce qu’il contient des réflexions importantes. Si vous souhaitez vous former aux massages bien-être avec cette sensibilité, vous pouvez retrouver désormais Audrey Berger chez Kendreka, et Fanny Bonnier – pour les massages biodynamiques – chez Arborescens. Bonne lecture!
Un art de l’adaptation

Le massage bien-être est par excellence un art de l’adaptation à l’autre : nous accueillons une personne comme elle est, et nous l’accompagnons au long de la séance par une attention de chaque instant et des techniques manuelles personnalisées visant à sa détente et son équilibre.

Pour cela nous mettons en œuvre des savoirs. Nous employons des techniques choisies, nous pouvons suivre des protocoles, nous utilisons du matériel spécialement conçu, nous mobilisons des connaissances en anatomie, en physiologie… Nous prenons appui sur des cadres de travail et respectons certaines règles de conduite, fixées par notre fédération de métier ou notre culture. Nous nous centrons dans la bienveillance, soignons la qualité de notre présence, notre écoute. Nous faisons aussi appel à notre intuition, à notre créativité.

Mais parfois, des personnes ou des situations se présentent très différemment d’à l’habitude, et nous ne sommes pas sûr·e·s de ce qu’il est possible de faire en massage. Cela peut être le cas avec des personnes âgées, des personnes en situation de handicap, par exemple. Est-ce que mes techniques sont adaptées ? Y a t’il des contre-indications particulières ? Comment faire si mon matériel ne convient pas ou que je ne peux pas l’avoir avec moi ? Est-ce que c’est OK pour moi émotionnellement ?

En effet la personne peut être en fauteuil roulant, ou dans un lit médical. Elle a peut-être des difficultés pour communiquer avec nous par la parole, ou pour bouger. Peut-être vit-elle avec un trait particulier ou une maladie qui l’isole, la stigmatise ou la fait souffrir. Peut-être vit-elle dans un foyer spécialisé, sans possibilité de se déplacer. Malade ou non, fragilisée par la vie de façon temporaire ou longue durée, son univers est peut-être très différent de tout ce que nous connaissons, à fortiori dans la pratique du massage… À domicile, en foyer, son environnement peut présenter des contraintes compliquées pour la réalisation d’une séance…

Faut-il pour autant renoncer ? Lorsque nous nous en sentons l’envie et la disponibilité, il serait dommage de renoncer à pratiquer, car le massage recèle de bienfaits pour la grande variété des êtres-vivants ! Or lorsque que le bien-être, la douceur de vivre d’une personne sont mis à l’épreuve dans des contextes arides ou douloureux (solitude/isolement, médicalisation, stigmatisation, précarité..) proposer des massages peut justement être le geste qui fait du bien. En cas de manque de confiance ou d’expériences, des formations ou compléments de formations telles que proposées chez Biopulse permettent de dépasser ses appréhensions et d’étoffer ses compétences pour se rendre accessible pour les publics fragilisés.

Un allié de toutes les situations

Rappelons que bien appliqué, un massage bien-être soutient les grands systèmes du corps et leurs fonctions qui se communiquent (circulation, digestion, respiration, hormones, immunité..) favorisant une plus grande résilience physique et émotionnelle. Le massage aide à réguler, entre autres, le système nerveux autonome et à compenser des effets délétères du stress. Un massage peut soulager des tensions musculaires, améliorer les mouvements de tout le corps, améliorer la respiration. Ils peuvent calmer l’esprit, faciliter le sommeil, redonner de l’appétit, et aussi conforter le sentiment d’exister, restaurer l’intégrité et la dignité de la personne, raviver le petit feu d’une joie de vivre, transformer des chagrins…

En contexte médical et sous réserve de contre-indications, le massage bien-être s’avère un bon complément des soins. Le peut adoucir la pénibilité d’un traitement, apaiser des douleurs, calmer l’anxiété, favoriser la récupération… Il permet aussi de (ré)unifier la sensation d’être global, d’avoir du temps, quand au contraire des traitements isolent des parties du corps et précipitent le vécu… Les bienfaits des massages s’étendent aussi à l’entourage : Il est satisfaisant de voir un proche se détendre, se remettre à rayonner, la relaxation se propage. Idéalement les proches et les aidant·e·s qui fatiguent ont la possibilité de profiter de séances de massages aussi !

Au delà des bienfaits individuels, les massages participent d’une dynamique de groupe harmonieuse : ils sont des respirations dans la routine, réenchantent des moments difficiles, créent du lien entre les personnes qui en bénéficient dans un groupe. De plus, les proches, les aidant·e·s et les soignant·e·s qui accompagnent des personnes fragilisées tous les jours ont parfois le sentiment que leurs gestes ont été à la longue comme « mécanisés », « dévitalisés ». Se mettre à pratiquer le massage permet de se libérer de la répétition, de raviver la relation à la personne, de retrouver un peu de spontanéité, de créativité, de chaleur dans ses mains, et finalement un plus grand contentement dans le cœur…

Des ressources vivantes

Lorsque nous avons envie de venir en aide à quelqu’un·e, un de nos premiers mouvements est de tendre la main, pour toucher la personne. L’art du massage bien-être est en quelque sorte un ensemble de savoir-faire et de savoir-être qui permet de prolonger, d’élaborer cet élan altruiste, de savoir adapter notre geste aux personnes et aux contextes.

Les grands massages du monde ont généralement des gammes techniques modulables permettant de s’adapter à différentes constitutions psycho-corporelles, y compris en cas de fragilités. Si certaines gammes se déploient traditionnellement mieux au sol et d’autres sur table, plutôt mieux au contact de la peau qu’habillé, avec ou sans huiles ou vice versa, il existe toutefois des façons de transposer. Souvent avec une personne plus fragile ou en situation de handicap, il faut aménager le cadre, ne pas hésiter à transposer les techniques, du sol à la chaise ou de la table au lit, et s’équiper d’accessoires de soutien. D’un point de vue technique, nous privilégions en général des manœuvres douces et superficielles. Nous pouvons également proposer des massages par zones : depuis la tête, les mains ou les pieds, les bienfaits se propagent au corps entier.

Chez Biopulse, nous faisons également la part belle aux massages Biodynamiques, issus de la thérapie psycho-corporelle du même nom. Ces massages, avec ce qu’ils contiennent comme qualité d’attention, de présence, de contact au service du vivant, sont de formidables outils pour les publics fragilisés. Mini par la technique et maxi par leurs effets de mieux-être, ils sont relativement simples à mettre en œuvre pour des novices, leurs « principes actifs » se trouvant surtout dans la mise en jeu de qualités humaines essentielles, moins dans la complexité des manœuvres. Ces massages permettent souvent d’aller en toute sérénité là où la technique « dure » seule ne peut pas ou plus aller…

L’attention aux cadres

Avec les techniques, il y a également le cadre : le cadre d’écoute et de respect mutuel que nous co-créons avec la personne pour son massage, ainsi que l’environnement qui accueille notre séance. Face à la douleur, à la différence, aux émotions, nous pouvons nous sentir en difficultés dans la pratique des massages. D’autre part, l’ambiance d’une séance en hôpital, à la maison, en foyer, peut être à l’opposé d’un Spa : un alentour bruyant, désordonné, exposé aux interruptions, aux regards… Tout cela nécessite que nous développions nos qualités, voire que nous mettions en place des astuces sensibles intelligentes pour réaliser malgré tout de belles séances. Il est important de respecter toujours soi-même ses limites. Le désir de faire une bonne action comme masseur·se·s ne doit pas prendre le dessus sur notre intégrité comme personnes, mais bien y être accordé. Certaines situations demanderont que nous prenions plus grand soin de nous avant et après le travail.

Le respect d’un cadre de déontologie est également primordial, et à l’intérieur de celui-ci, le respect des précautions de santé. Pour une personne malade ou présentant des fragilités, bien comprendre les contre-indications et précautions de santé associées au massage s’avère parfois plus important que d’habitude. En effet, des besoins spécifiques et de santé peuvent se cumuler, croiser d’autres aspects de la vie de la personne, de la vie en société (avec ses régimes de privilèges, négligences, discriminations) donnant lieu à des profils plus complexes – qui peuvent d’ailleurs évoluer dans le temps. Au delà de permettre un bon massage, sur mesure et sans dangers, prendre en compte les aspects relatifs à la santé et aux conditions de vie de la personne participe de définir le cadre de nos compétences et celles des autres : qu’est-ce qui est du ressors de qui, que suis-je en capacité et en volonté de faire ou pas. Cela permet aussi de savoir et vers qui, le cas échéant, rediriger la personne pour des soins adaptés.

Au delà de la zone de confort, plus de confort

Les besoins qui peuvent se présenter en massage sont aussi variés que la vie, il n’est pas possible de les lister tous. Chaque personne et situation demanderont de nous des adaptations techniques, matérielles, sensibles, lesquelles forment chez Biopulse les grands axes du module de formation sur le Massage bien-être pour public fragilisé, où ces adaptations peuvent en effet être plus exigeantes. Pour autant l’objectif n’est pas ici de nous « spécialiser » dans le « public fragile », pas plus que nous ne voudrions nous « spécialiser » dans la « normalité » ! Au fond, nous souhaitons participer à une plus grande accessibilité pour toutes et tous du massage bien-être. Que les contraintes et appréhensions face au massage, réelles ou imaginées, ne s’érigent pas comme des barrières excluant des personnes d’une richesse de bienfaits possibles au moment où elles en auraient peut-être le plus besoin, mais que leurs besoins spécifiques et les limites éprouvées soient des éléments avec lesquels nous sachions composer ensemble.

Ceux·celles qui vivent, ou ont vécu, des situations de fragilités le savent : lorsque nous accompagnons quelqu’un·e qui connaît des difficultés dans la vie, nous sommes amen·é·e·s à vivre avec elle des situations inédites, qui nous obligent à sortir de notre « zone de confort ». C’est une chance. Il y a, au delà d’une « zone de confort » définie par des habitudes, des sécurités et des normes, une grande richesse de vie, des surprises, des opportunités d’apprentissage, de renouvellement et de transformation individuelle et collective. Il en est de même dans la pratique du massage bien-être : sortir de la zone de confort de son métier est riche, formateur, transformateur. Suivons les élans du cœur où ils nous mènent et emmenons le massage partout.

Emily King

2018

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Catégories : Formation